A l’occasion de la rentrée scolaire 2021, Jean-Louis Garcia, président de la Fédération APAJH, signe une tribune dans Le Café Pédagogique pour exposer les enjeux d’une école réellement inclusive. Découvrez l’intégralité de ce texte.

Valeurs, principes ou ambitions…
Pour une vision partagée de l’école inclusive !

En cette rentrée particulière, dans un contexte sanitaire encore incertain, la scolarisation des élèves en situation de handicap nécessite plus encore de réaffirmer une volonté politique forte et une coopération renforcée entre les acteurs pour garantir les conditions d’une école réellement inclusive.

L’accès à l’école est un droit.

Comment soutenir au mieux les inclusions, déployer les temps partagés ? Comment favoriser les apprentissages, la formation ? Comment accompagner l’orientation, l’insertion sociale et professionnelle ? Autrement dit, comment répondre au mieux aux besoins particuliers des élèves et construire pour chacun un parcours de scolarisation, à la fois ambitieux et adapté, en s’appuyant sur l’ensemble des ressources à disposition ?

Si des avancées sont à reconnaître, de nombreux freins subsistent et la marge de progression reste grande.

Certes, le nombre d’enfants en situation de handicap accueillis en classe ordinaire est en augmentation en France, mais il reste en deçà de celui de beaucoup de pays européens.

L’offre de scolarisation s’étoffe, avec le développement des dispositifs ULIS, avec l’externalisation des unités d’enseignement, la création d’unités d’enseignement maternelle ou élémentaire autisme, avec l’émergence de dispositifs innovants… mais les possibilités d’accueil restent très insuffisantes et le taux de scolarisation diminue fortement avec l’âge croissant des enfants.

Nous sommes encore loin de donner à tous la possibilité de fréquenter « l’école ou l’établissement le plus proche de [leur] domicile », comme le demande pourtant la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » du 11 février 2005.

Et nous sommes encore, à ce jour, dans l’incapacité de garantir à chacun le parcours de qualité et sans rupture auquel il a droit.

Rappelons que Claire Hédon, Défenseure des droits, alerte régulièrement sur le fait que les discriminations à l’égard des personnes en situation de handicap – avec en bonne place les manquements à la scolarisation des enfants – constituent le premier motif de saisine auprès de ses services.

Pourtant les ressources et les compétences existent, à l’Éducation nationale comme dans le secteur médico-social. À nous d’œuvrer pour les renforcer, les coordonner, pour donner à chaque enfant les moyens de progresser, de se former et de s’épanouir dans un cadre collectif et partagé

Soutenir une vision partagée de l’école inclusive

Si l’ambition d’une école inclusive invite, depuis 2005, à un réel changement de modèle, il reste encore un chemin à parcourir pour que les équipes pédagogiques et éducatives dans leur ensemble soient en capacité de prendre activement part au projet de scolarisation de tous les élèves.

Construire cette légitimité, au travers de compétences nouvelles, nécessite certes une volonté, mais aussi des moyens, avec une formation initiale et continue de qualité, une mise à disposition de matériel adapté, des aides humaines formées ou l’appui de professionnels du secteur médico-social. Ce changement implique aussi un nouveau regard, de nouvelles postures professionnelles qui bénéficieront de fait à tous les élèves, tournées vers l’identification des besoins particuliers des élèves, vers l’adaptation des situations d’apprentissage, vers le travail en équipe et la coopération, et dépassant largement la notion de handicap.

À ce titre, l’APAJH s’engage à soutenir les pratiques des équipes pédagogiques, en mettant à leur service les compétences spécifiques des professionnels médico-sociaux. En ce sens, elle souhaite participer pleinement à la volonté de faire de l’école un levier de réussite et d’épanouissement pour tous, conformément aux valeurs républicaines et humanistes qu’elle défend.

Accompagner les acteurs de l’école inclusive

Nous avons conscience de l’ambition et de la complexité de cette entreprise qui nécessite de mettre l’accent notamment sur l’accompagnement des acteurs – les professionnels, mais aussi les enfants et leur famille.

Une enquête de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) témoigne que moins de la moitié des familles ont connaissance des aménagements pédagogiques prévus dans le projet personnalisé de scolarisation de leur enfant. Avec une information parcellaire, comment permettre aux familles d’opérer un choix éclairé concernant leur enfant ? Et comment susciter un climat de confiance, nécessaire à un travail en réelle coopération ?

De même, beaucoup d’enseignants de classe ordinaire regrettent le manque de formation pour être en capacité d’apporter des réponses qualitatives aux élèves à besoins particuliers.

Les missions des enseignants référents pour la scolarisation des élèves en situation de handicap, des professeurs ressources participent à cette construction mais leur nombre reste insuffisant.

En complément, l’émergence de formations conjointes entre les professionnels de l’Éducation nationale et du secteur médico-social apparaît aussi comme un levier privilégié pour donner des clés aux enseignants. Elles permettent, de part et d’autre, une meilleure connaissance des missions propres et des compétences de chacun. Elles facilitent l’articulation des actions et initient un travail d’élaboration concerté au bénéfice de la réussite et de l’épanouissement des élèves.

La Convention cadre signée le 10 janvier 2020 entre l’APAJH, le Ministère de l’Éducation nationale et le Secrétariat d’État chargé des personnes handicapées s’inscrit dans cette volonté partagée de rendre l’école de la République accessible à tous.

Co-construire des objectifs communs inscrits dans un parcours sans rupture

Le renversement de paradigme que constitue l’école inclusive réaffirme la place de l’élève au centre des apprentissages, engageant des actions plurielles et complémentaires de la part des enseignants, des AESH et des professionnels du médico-social. Ces derniers sont en mesure d’apporter une expertise propre et leurs interventions peuvent être à destination des élèves, des familles ou bien des équipes pédagogiques, avec le déploiement des équipes mobiles d’appui à la scolarisation (ÉMAS) par exemple. Les ÉMAS constituent des pôles ressources privilégiés pour les écoles, les collèges et les lycées, sous condition d’être pleinement intégrées au sein des PIAL renforcés et en nombre sur l’ensemble du territoire.

La synergie des actions conduites par les professionnels est la condition première pour co-construire des objectifs communs, en accord avec les attentes et besoins des enfants et de leur famille, et apporter les réponses adéquates : adaptations ou aménagements pédagogiques, aides humaines, interventions éducatives, prises en charge thérapeutiques…

Aujourd’hui, l’école inclusive doit montrer la voie d’une école pour tous, dans l’écoute, le respect et l’accompagnement de chacun. Elle constitue véritablement le fer de lance d’un projet de société ambitieux et humaniste et doit s’appliquer à faire vivre ses valeurs.

À ce titre, l’école inclusive concerne chacun d’entre nous.

Aussi, l’APAJH réaffirme avec force sa volonté de s’engager pleinement au service d’une école réellement inclusive, pour bâtir la société inclusive qu’elle appelle de ses vœux, combats et initiatives.

Jean-Louis Garcia, président de la Fédération APAJH